samedi 6 janvier 2018

Portraits : Johannne B.

Elle vient presque tous les jours à la bibliothèque, taper des lettres de candidature et faire sa recherche d’emploi. Elle est bizarre. Avec son teint très blanc, sa maigreur, et ses longs cheveux noirs, on dirait presque une sorcière. Elle nous dit qu’elle a du mal à trouver un emploi. Elle m’explique qu’elle a une maîtrise de gestion, obtenue à la sueur de son front car elle vient d’une famille très pauvre. Qu’elle est originaire de Gaspésie mais qu’elle restait à Québec avant. Qu’à Québec et Montréal elle a toujours réussi à travailler et a eu des bons postes, dans des cégeps et des universités. Elle a l’air d’avoir tellement de mal dans sa recherche d’emploi que je me demande si elle dit vrai. Mais je comprends que ce genre de personnes « bizarres » ait du mal à trouver un emploi. Elle m’explique qu’à Gaspé ça marche plus par copinage que selon la compétence des gens, ce que je veux bien croire aussi... Elle m’explique plus tard qu’elle est venue ici pour
vivre avec son conjoint. Plus tard, je la fais embaucher pour me remplacer 15 jours, je suis contente de moi mais c’est pas non plus extraordinaire pour elle. Elle ambitionne des postes plus hauts sans jamais décrocher d’entrevue. Quand elle me remplace, ma collègue et elles découvrent qu’elles ont le même âge - 54 ans - mais des trajectoires opposées. Johanne n’a jamais vécu avec un homme et c’est une nouvelle expérience pour elle. Elle a dû avoir peu de liens sociaux. Au fil du temps, elle trouve un petit job au pavillon des sports, elle apprend à sourire et ose même des blagues, jamais drôles, mais elle ose quand même. On pourrait devenir amies mais elle est bizarre. On m’a souvent dit que j’étais bizarre alors je comprends assez bien ce qu’elle ressent. Quand elle te parle de ses compétences, elle est presque arrogante. Je ne connais que trop ces sentiments, la timidité qui te donne le goût d’être hautain. Et malgré tout le besoin d’être en contact avec les autres.
Je l’invite quelques fois à manger avec moi, elle me dit oui un jour mais je sais pas si elle le fera. Elle est écolo et bio, elle n’a pas le permis et vient tous les jours au cégep à pied ou en vélo (20 km). C’est elle que je vois quand je lis «Une divine plaisanterie » de Margaret Laurence.

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