vendredi 26 janvier 2018

Jennifer 4

Elle se massa légèrement la nuque pour enlever la tension accumulée par la mauvaise posture et se rapprocha de la porte. L'autobus arriva. Elle alla s'asseoir au fond. Une jeune femme, deux ou

mercredi 24 janvier 2018

Jennifer 3

Le lendemain, elle fut réveillée par le bruit du chauffeur qui était déjà levé. Elle s'aperçut qu'ils ne s'étaient même pas présentés. 
- Tu es déjà levé?
- Oui, j'aime regarder le jour se lever. 
- C'est quoi ton prénom en fait?
- Andrew. Et toi?
- Jennifer.
Elle vint s'asseoir à côté

Portraits : Mady-Hawa T.

Mady-Hawa T., jeune homme de dix-sept-dix-huit ans. Il vient d'arriver à Laval et on remplit ensemble sa demande d'asile pour l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides). Il sourit tout le temps et a l'air d'avoir un enthousiasme indéfectible. Quand je lui pose les questions habituelles, il me fait les réponses habituelles. Ethnie : diakhanké. Langue : diakhanké. Il répond avec une fierté telle que je lui pose des questions sur les Diakhankés. Pourtant, la plupart des Guinéens à Laval sont diakhankés. La plupart des demandeurs d'asile guinéens qui arrivent à Alter-Égaux semblent s'excuser d'être diakhankés car ils savent que les Guinéens sont devenus des indésirables à Laval. Même les Sénégalais s'en plaignent et craignent d'être pris pour des Guinéens. 
Mais Mady-Hawa, lui, a cet enthousiasme indéfectible.

mardi 23 janvier 2018

Youtoubeuse

Un projet fou comme ça, parmi mes projets fous et inaboutis faute de temps ou... de persévérance :
faire des vidéos youtube humoristiques.
Voilà quelques projets de sketchs, avec la ponctuation imprécise, parce que c'est à préciser en les jouant. Si le projet vous intéresse et que vous avez des talents en vidéo et en média sociaux, ou juste l'envie de m'aider, contactez-moi !



Youtoubeuse

Trop vieille
Quand j’ai dit à mes enfants « Je vais être une youtoubeuse », ils m’ont dit « t’es trop vieille maman! »
Bah j’ai dis oui

Route 132

Souvenirs d'une année particulière, mon année en Gaspésie, où, immergée en milieu bilingue, je me risquai à écrire en anglais... N'hésitez pas à souligner mes fautes, mais j'aime à imaginer qu'il se dégage peut-être de cet anglais sommaire, une poésie naïve...

While I'm driving I see some moose eating the fresh grass growing in front of the wood. Behind the is a deep wood, as deep as an ocean. The moose enter in the wood and then it disapear. Where is it gone? No one knows. I'm driving to the Gaspésie and I leave it in its wood. I won't return the anymore, I'm just driving, keeping y eyes on the road.
Sometimes I feel tired, I feel like sleeping. Now the night has fallen. The stars are lighting in the sky. Ican see a thin pale moon. I open the window and put my arm on the left side. I can feel the air and some fuckin flies singing the little songs with the wind. Everything is calm. The trucks are driving slowly. I can see theirs lights, the beautiful cabines and inside the big red face of the driver, smiling to the stars or to the woman's picture standing over them as a christ icone. I'm driving. I feel some melancholy thinking about what I'm leaving and also hapiness thinking what I will find.

samedi 20 janvier 2018

Martha Argerich

C'était quand je vivais en France. J'avais une rencontre à la bibliothèque et j'étais rentrée vers vingt-deux heures. Sur la route, j'écoutais France Musique et juste en arrivant chez moi, ça passait Martha Argerich, la pianiste préférée de Baddredine. J'avais mis la radio à fond. J'essaie de faire un créneau entre deux autos, et comme ça ne passe pas, je vais me garer plus loin sur le grand stationnement à côté. 
Le lendemain, Angel, la blonde de Bad, m'appelle et me dit "t'es rentrée dans notre voiture?". Moi : "bah non..." Elle : "Ne dis pas non, la voisine t'a vue."
Et là, j'ai compris que ça devait être vrai, je n'en n'avais ni contre elle ni contre la voisine, je suis du genre à laisser mes coordonnées quand j'emboutis un autre véhicule, mais avec la musique à fond, je n'avais tout simplement pas remarqué que j'étais rentrée dans leur auto ! 
Quand je suis allée voir Baddredine et Angel pour m'arranger avec eux, je dis à Bad : " Tu comprends Bad, Martha Argerich !" Il a compris bien sûr ! Et j'ai payé le phare cassé.

vendredi 19 janvier 2018

Râteau

- Est-ce qu'il ?…
- Non, jamais.


- Ah, bon…

Pourquoi écrire?

Pour faire sortir le méchant (Annie Minier)
Écrire comme si votre vie en dépendait (Rilke)
Écrire est invivable (Marguerite Duras)
Avoir une chambre à soi et une rente pour écrire (Virginia Woolfe)

Bon, je n'ai pas forcément envie que ma vie dépende de l'écriture, ni que ce soit invivable, j'ai une chambre à moi mais pas de bureau, mais parmi tous mes questionnements c'est heureusement Annie qui m'a redonné le goût d'écrire et d'y mettre mon âme, parce que, primo ça fait du bien et deuxio, que ça plaise ou pas il faut pratiquer pour s'améliorer, alors on continue!

mercredi 17 janvier 2018

Jennifer 2

Elle sortit, sans claquer la porte. Elle ignorait qu'elle ne reviendrait plus vivre ici, mais elle n'avait pris que son sac à dos qui contenait son portefeuille, un livre et une brosse à dents.
Elle marchait sans savoir où elle allait. Elle n'était pas assez vêtue pour le froid qu'il faisait mais pas question de revenir en arrière. Quand elle fut arrivée sur la rue du Pont, elle se mit à marcher vers la route de Chicoutimi. Elle remonta le col de son manteau, comme si elle craignait que quelqu'un la reconnaisse et la ramène chez elle. Elle fit au moins 6 km avant de s'arrêter pour faire du pouce. Personne ne l'avait ramenée chez elle mais elle était gelée. Heureusement, un véhicule s'arrêta rapidement. Un camion. 
- Où tu vas?
- Chicoutimi.
- Monte.
Elle grimpa dans la cabine.
- Comment tu t'appelles?
- Jennifer.
- Qu'est-ce que tu faisais sur cette route?
- Je sacre mon camp de chez moi.
- Ah... 
Il avait l'air de comprendre. Il avait un long visage fatigué, avec de gros cernes noirs sous les yeux, et des grandes dents un peu croches.
- Tu conduis pas? 
- Non, je suis sur le pilote automatique, c'est bien fait, ces camions-là, ça se conduit tout seul, comme ça, je peux dormir de temps en temps, ou lire. Tu aimes lire?
- Oui, qu'est-ce que tu lis?
- Pantagruel, Tu connais?
- Non.
- C'est bon.
- Moi, je lis Carson McCullers, Le coeur est un chasseur solitaire.
- Ah ouais, j'ai lu ça il y a longtemps, c'est pas mal.
- Pas mal? Tu veux dire c'est génial!
- Ouais... Tu veux des chips? J’en ai a l’arrière de la cabine.
- Oui.
- Vinaigre ou ketchup?
- Ketchup.
- Moi aussi, c'est celles que je préfère. Un coke?
- Oui, merci.
C'était la première fois qu'elle montait dans un camion. Le siège était vraiment confortable et on c'était beau, voir la route de haut, comme ça. 
- Ça c'est quoi? 
- Un disque kilométrique. Ça permet de mesurer les kilomètres parcourus, ça indique les temps de pause et tout ça. Mais je l'ai truqué pour faire moins de pauses. 
- Et c'est pas dangereux?
- Non.
- ... Tu transportes quoi?
- Des volailles.
- Ah ouais, et elles ont pas trop froid?
- Non, c'est bien chauffé là-dedans et éclairé, un vrai hôtel 5 étoiles! 
Elle commençait à s’assoupir dans le siège rembourré.
- Écoute, je vais m'arrêter parce que je dois faire ma pause mais si tu veux, tu peux dormir dans mon camion. J'ai trois couchettes.
- ... Tu vas pas à l'hôtel?
- Non, je dors et je mange dans mon camion, pour économiser. Par contre, m'arrête au stationnement du bar de danseuses de St-B. pour faire comme les autres.
- Et tu y vas pas?
- Non.
- Ah...
- Alors, tu veux dormir ici, ou tu préfères que je te trouve un endroit où te déposer.
- Je veux bien dormir là.
Le camion s'arrêta. Sur le stationnement, il y avait beaucoup d'autres poids-lourds.
- Je vais aller nous chercher des sandwichs.

lundi 15 janvier 2018

Chroniques de la pauvreté ordinaire

Quand j'avais la vingtaine, j'avais pour projet d'écrire des chroniques de la pauvreté ordinaire (et aussi des chroniques du racisme ordinaire). Je vous livre ici deux anecdotes, textes jamais écrits mais restés dans mon souvenir, parce que je me dis qu'après tout, tant pis si je ne les écris pas quand j'ai l'inspiration, s'ils sont bons, ils me resteront en tête.
Regard porté sur la pauvreté sans condescendance parce que depuis que je fréquente le café communautaire l'Accès à Alma, je n'ai plus honte d'être pauvre. Entendons-nous bien, je ne dis pas que c'est le fun d'être pauvre, je ne suis pas si pauvre non plus et je n'haïrais pas améliorer mon confort et ma sécurité matériels, mais quand j'ai lu Le Manifeste du parti communiste, vers 17-18 ans, je me suis dit, mais pourquoi Marx dit-il "le prolétariat" et pas "nous", vous comprenez? Voilà, c'est ça, je dis "nous".
Hmm, en les écrivant, ces souvenirs sont brefs, on va plutôt les nommer "Instantanés"...

Instantané 1 :
On était à l'auberge de jeunesse de St-Malo avec Ameth, pour notre lune de miel. Dans la cuisine, un couple, avec un petit bébé, discutait avec un ami : "on déménage au camping, parce que c'est moins cher. Mais tu passes quand tu veux hein? La tente est grande!"

Instantané 2 : 
Chicane de couple de SDF - itinérants comme on dit au Québec - devant la gare de Rennes. Ils se crient dessus devant tout le monde. Comme ils n'ont ni enfants ni meubles à se partager, ils se disputent pour savoir qui gardera le caddie (chariot) plein de bouteilles de bières...

Il y a un couple au café qui m'inquiète beaucoup. Lui est un quadragénaire bien relaxe, il fume son petit joint de temps en temps et chille. Une fois qu'on attendait devant le café avec Laurier pour rencontrer Manon durant sa campagne, il arrive avec un grand sourire et dit : « ça vous tente de fumer? ». Avec Laurier, on l'a regardé en souriant et on a dit « euh, non... ». Pas vraiment notre genre. Mais ben chill, quoi. Elle est une fille aigrie par la vie, en guerre contre le système et contre elle-même. Elle a étudié en travail social et a fait beaucoup de bénévolat et de projets pendant ses études. Mais trop forte tête, trop mauvais caractère, elle s'est marginalisée et maintenant a l'impression que personne ne peut l'aider. Je la connais peu mais j'ai l'impression que chaque fois qu'on lui propose une solution, ça lui semble trop compliqué et qu'elle les refuse. Moi aussi, j'ai eu ce caractère, la haine envers soi-même et les réflexes d'auto-sabotage, mais je souhaite qu'elle ravale son orgueil et se trouve un logement car sinon, elle va mourir de froid dans pas long.
Je pensais pas que ça arrivait au Québec mais il paraît que oui, et j'en veux presque au café d'avoir laissé leur terrasse aux itinérants, parce que là il faut qu'il se trouve un toit et ça presse!
Mais je sais que le café fait ce qu'il peut, y compris pour la défense des droits mais tout le monde s'en fout tellement.
Bref, je parlerai pas à cette fille et elle fera ce qu'elle a à faire mais je pense bien à elle, même si elle me voit à peine...

dimanche 14 janvier 2018

David B.

David B. arrive de Géorgie. Il a quitté son pays et est venu en France demander l'asile. Il se tient avec Soslan, Vanda et un autre monsieur dont j'ai oublié le nom. Il serait l'oncle de Soslan. Je dis "serait", car, comme la plupart des demandeurs d'asile que je rencontre à Alter-Egaux, je ne suis jamais sûre qu'ils disent la vérité. Difficile empathie, confiance, à l'égard de gens qui ne parlent pas ma langue, ne sont pas de mon pays. L'altérité. Les étranges comme on dit au Québec. Aujourd'hui c'est moi l'étrange.
Pourtant, pourquoi viendraient-ils ici? Pour manger le pain des Français? Je peux vous dire pourtant que pendant les années où j'ai cotoyé D., il n'a eu qu'une vie entre parenthèses, une sous-vie. Je peux te dire que, quelque soit le récit que me faisaient ces gens, parfois peut-être ajustés dans le but de plaire à l'OFPRA (office français de protection des réfugiés et apatrides), de rentrer dans les cases (réfugié politique est plus légitime que réfugié économique), il y avait des visages qui en disaient long, d'une extrême gravité ou d'une extrême lassitude. Il y avait ce monsieur algérien qui par trois fois, envoya une enveloppe vide à l'OFPRA, peut-être trop de choses dans la tête pour réussir à envoyer ce maudit dossier...
D. venait d'arriver de Géorgie. Lui et sa famille m'ont fait le récit que j'ai écrit pour l'OFPRA, grâce à Soslan, jeune homme de seize-dix-huit ans qui faisait office d'interprète pour sa famille. Même si la télévision parlait des événements en Géorgie, leur récit n'était pas assez convaincant, faut-il croire, ou leur profil pas assez séduisant, surtout celui de D., homme fatigué, maigrichon dans la cinquantaine, non francophone de surcroît. À leurs débuts, ils nous ont invités à manger, moi et Ameth, un soir. Modeste souper qui devait représenter beaucoup pour eux, accompagné de vodka comme au pays. Ameth et moi mangions du bout des lèvres, comme si on nous avait offert des doubitchous dans Le Père Noël est une ordure, encore un film qui présente des préjugés néfastes sur les migrants. Plusieurs décennies plus tard, je viens de tomber sur le film 7 jours pas plus, avec Benoit Poelvoorde, qui colporte encore des préjugés dégueulasses sur les migrants... (Le Père Noël est une ordure avait au moins le mérite d'être drôle)
Aujourd'hui c'est moi l'étrange mais la moins étrange des étranges au Québec... La maudite française peut-être mais sans plus, je bénéficie de préjugés favorables parce que je parle français, que je suis blanche et non musulmane...
Quelques mois plus tard, Soslan faisait des affaires sur la place de la République, des affaires louches, certes, mais qu'aurait-il pu faire d'autre? Les demandeurs d'asile n'avaient (en tous cas à l'époque) pas le droit de travailler. Juste le droit de toucher les aides, assez maigres, qui malgré tout pouvaient servir pour aider la famille là-bas. Et, aberration, les demandeurs d'asile allaient chercher leur aide à l'Assedic, là où les chômeurs allaient chercher leurs prestations. Les "bons français" voyaient alors de longues files d'immigrants et s'imaginaient peut-être (ou peut-être pas d'ailleurs...) qu'ils venaient en France juste pour toucher les aides, sans savoir qu'ils n'avaient pas le droit de travailler.
Quelques années après, j'ai revu David. Il me dit qu'il sortait de prison. Je n'ai pas voulu savoir pourquoi et de toutes façons son français était encore limité. On est simplement allés prendre un café.

Textes féministes

Le féminisme est une cause qui m'anime : j'ai écris cinq articles par rapport à mon vécu de femmes. Trois dans la revue web créée par la talentueuse Stéphanie St-Pierre : les Affemmées. Je vous laisse chercher mes articles, ça vous permettra de regarder les autres articles, tous très intéressants. Un autre article a été publié sur le blog Je suis féministe.

Mes textes

Alors voilà, j'en ai un peu marre de publier des critiques de livre et j'ai décidé de vous partager mes propres textes, mes créations. Elles valent ce qu'elles valent, comme vous les savez peut-être j'ai beaucoup d'idées mais plus de difficultés à mener mes projets à bien, à les terminer.
Pour autant, la création est ce qui me fait vivre, non pas financièrement mais spirituellement, alors vous trouverez sans doute dans ces "work in progress" un peu de moi. C'est très personnel, c'est très imparfait, faire les choses imparfaitement est quelque chose que je revendique, par paresse d'une part, mais aussi pour que tout le monde se sente le droit, l'envie de créer.
Je renomme donc ce blog "chez Elsa" mais, des fois que le monde aurait commencé à me suivre, je garde la même adresse.


Comme toujours je suis preneuse de commentaires constructifs : ni dénigrants, ni trop enthousiastes.

Armand Vaillancourt


J'ai parlé d'Armand Vaillancourt lors de mon précédent article, et vous voudrez sans doute savoir quand je l'ai rencontré. Il avait été invité par le centre collégial de Mot-Laurier alors que je venais  d'y être embauchée et que je venais tout juste d'arriver au Québec. J'ai assisté à 2 rencontres avec lui : une avec la population locale et une avec une classe.

Otto

Otto avait au moins quatre-vingt-dix ans quand je l'ai rencontré. C'était une personnalité de Mont-Laurier. D'origine allemande et installé au Québec depuis longtemps, il a beaucoup fait pour la région. Il suscitait bien sûr des jalousies et toutes sortes de ragots qu'un monsieur tel que lui - de surcroît allemand - pouvait inspirer. Sa grande taille, son visage anguleux, se remarquaient assurément. Je l'avais sans doute croisé quelques fois - lors de la venue d'Armand Vaillancourt au cégep par exemple - avant de l'entendre discuter avec la responsable du café-librairie. Avec son accent allemand et sa voix chevrotante, il me semblait difficile à comprendre mais ce qu'il avait à dire était tellement intéressant qu'on tend l'oreille facilement dans ce temps-là.

J'avais d'abord rencontré son épouse, Ute, lors d'une rencontre organisée par les étudiants en travail social. Ute et moi avions été invitées à parler de notre expérience d'immigrantes. Ute était d'origine brésilienne, et travaillait à l'épicerie de produits biologiques. Elle devait avoir dans les 70 ans. Nous nous sommes revues un soir à un concert de blues, auquel j'étais allée dans l'espoir d'y croiser Samuel, un étudiant du collège. J'étais sortie un moment prendre l'air et Ute arrivait. Nous avons discuté et elle m'a dit « une femme dans la trentaine est dans l'apogée de sa beauté». C'était peut-être vrai.

Quelque temps après ma première rencontre avec Otto, sa femme m'invita à venir chez eux, sachant que son mari serait ravi d'avoir de la compagnie. Il me fit un accueil cordial et s'empressa de me montrer sa collection de National Geographics et ses statuettes africaines. Il me montra également ses photos de famille, m'expliquant que sa première épouse, italienne, avait «foutu le camp» quand ils étaient allés vivre à Gaspé. Gaspé, m'expliqua-t-il, signifiait "trou du cul du monde". Je l'appris par la suite à mes dépends : charmante place pour vivre, Gaspé me fut néanmoins difficile. Puis, Otto me raconta sa rencontre avec Ute : "les premiers temps, nous passions tellement de temps à faire l'amour qu'on s'est dit que ça ne déboucherait pas sur une relation sérieuse".

Otto m'emmena faire un tour à sa maison de campagne, où il était "gentleman farmer", selon ses termes, et où était son trésor : un musée du patrimoine religieux. Dans une grange, il avait regroupé toutes sortes d'objets religieux: des vierges phosphorescentes comme celles que ma grand-mère avait, des portraits d’évêques de valeurs diverses, en passant par des chapelets, des bancs d'église et autres colifichets qu'il n'avait eu aucun mal à récupérer, puisque, comme dans le film Les Invasions barbares, la Révolution tranquille étant passée par là, beaucoup de ces objets auraient été directement à la poubelle. Pourtant, ça formait un tout fascinant et Otto le savait. Il me proposa de classer ses livres religieux et m'embaucher tout l'été pour le faire. Il m'aurait sans doute payée très correctement, si je n'étais pas partie en Gaspésie, où j'eus justement la chance de m'occuper d'une bibliothèque collégiale musée, car mes prédécesseurs, extrêmement conservateurs et ne voulant rien jeter, avaient tout gardé : des livres des plus sexistes expliquant comment être une bonne secrétaire et faire plaisir à son patron, à ceux expliquant les différences entre les races, et surtout dominant cette collection hétéroclite, une classe 200 (religion en Dewey) très fournie avec des livres de St-Augustin, de catéchisme bas de gamme, ou de biographies de Jean-Paul II... 

Je déclinais la proposition de classer les livres  - j'aurais préféré classer les objets, - et je dis à Otto, que mon mari apprécierait sans doute de découvrir son musée. Otto fut ravi. Ameth était croyant et Otto n'avait pas constitué cette collection pour se moquer mais dans un but spirituel. Il tenait à ce que les gens qui viennent visiter ce musée soient respectueux et il trouva en Ameth et moi un public respectueux. 

L'année à Gaspé fut difficile pour toute la famille. J'avais passée une année merveilleuse à Mont-Laurier. Mon équipe du collège et les jeunes étudiants m'avaient changé de ma vie de couple difficile et de mon sentiment d'incompétence parentale. En juin, j'avais annoncé à Ameth que je voulais divorcer. Nous étions restés ensemble et Gaspé nous avait donné un grand bol d'air frais. Pourtant, lorsque l'hiver survint, la dépression me tomba dessus. Nous avions par contre la chance à Gaspé d'avoir une église ouverte. Je pense que c'est rare au Québec : une église ouverte tous les jours, comme en France, où les gens peuvent aller prier ou se recueillir à toute heure du jour. Bien que n'étant pas baptisée., j'ai toujours trouvé cela réconfortant. J'y avais amené les enfants, et, spontanément, ils s'étaient mis à faire la prière musulmane à genou comme leur père leur avait appris. Je dis cela plus tard à la religieuse qui m'accompagna pendant ma convalescence. Elle sourit et me dit que cela était naturel. 

Quand nous sommes arrivés à Gaspé, nous avons été logés à la résidence étudiante à cause de la pénurie de logements. Nous passâmes l'été à faire des châteaux de sables, à faire de la randonnée et à profiter des festivals. Après un été cependant majoritairement pluvieux, septembre-octobre furent magnifiques. Nous avons encore cette vidéo qu'Ameth a faite avec sa petite caméra et à laquelle le logiciel de montage gratuit qui clignote en bas du cadre donne des allures de film super 8. On m'y voit svelte et rayonnante, avec mes cheveux blonds et courts, mon maillot de bain rose à points noirs et des lunettes de soleil, en train de faire des châteaux de sable avec les enfants. Quand ma mère vient me voir en octobre, je loue deux yourtes au parc Forillon pour deux nuits. Nous y passons des moments mémorables, on voit un ours et un porc-épic et on regarde les étoiles le soir, seuls au milieu des montagnes. Un jour, je l'amène dans l'église et lui demande :
- A quel moment tu as perdu la foi?
- ... Je l'ai peut-être jamais perdu...
Cette révélation m'a saisie? Comment, elle n'avait jamais perdu la foi mais n'avait pas été capable de me l'inculquer?

Novembre est arrivé et la dépression avec. 



dimanche 7 janvier 2018

Le temple de la paresse

Si vous avez vécu à Québec et avez pris la traverse vers Lévis, avez-vous connu ce monsieur? Dans le débarcadère côté Lévis, à côté des toilettes, il y avait une petite porte portant l'inscription "Temple de la paresse". Une porte ou plutôt un rideau de perles, j'adore les rideaux de perles!
Tu rentres là et tu tombes sur une ambiance chaleureuse façon pays du sud : des hamacs partout, une petite télé allumée au fond, un petit boui-boui et au milieu de tout ça un monsieur qui t'accueille allongé dans son hamac et t'invite à t'asseoir, parce qu'il fait aussi des chaises-hamac. Oui, il paresse toute la journée, mais il fait aussi des hamacs, très confortables, tellement confortables que j'ai laissé passer deux-trois bateaux avant de repartir de chez lui.
C'était une journée comme-ci, comme-ça, les petits tracas de la vie quotidienne, les chicanes de couple. Je lui raconte un peu ma vie, le face-à-face chacun dans son hamac invite à la jasette. Je me détends très vite. Il me raconte sa vie. Il a été en couple huit ans avec une femme, avec qui, dès le départ, ils s'étaient dit, on se donne huit ans de notre vie. Ils ont eu deux garçons et une fille. Sa fille, me dit-il, a voyagé un peu partout. Un jour que, dans le désert, un homme voulait la violer, elle a baissé sa culotte et a dit "vas-y, j'en ai tout plein des morpions!". Ses enfants portent des noms genre Soleil, des trucs comme ça, ils font de la musique, et j'apprécie ce genre de bonhomme, tranquillement marginal.

Lorsque je revins pour le saluer, la fois d'après, malheureusement, le temple n'existait plus, comme un mirage. Mais cette vidéo me prouve que je n'ai pas rêvé :

Mon HLM (France)

Un habitat collectif qui facilite l'observation de mes congénères et les portraits.

La voisine du dessus est une belle femme ronde, dynamique, souriante, chauffeuse d'autobus. Son mari est un petit maigrichon, au visage un peu jaune, fumeur. Un jour, la voisine a remplacé le voisin fatigué par un bel homme athlétique, aux cheveux poivre et sel bien coiffés, un collègue chauffeur d'autobus. De temps en temps, le voisin fatigué revient pour voir ses enfants.

L'autre voisin du dessus est un homme séparé avec un fils en garde partagée. Il n'a peut-être pas encore encaissé la séparation ou alors il est au chômage longue durée, en tous cas il est toujours mal rasé avec un regard un peu vide. Un dimanche, son fils et lui remontent l'escalier, tristes tous les deux. Son fils a des crampons dans les mains, ils reviennent sans doute d'un match de foot (soccer) et son fils a dû perdre. J'aimerais écrire une nouvelle sur ce moment-là : le père et le fils qui comptaient sur ce match et une victoire pour se rapprocher et avoir du fun ensemble. Le père voudrait dire à son fils que c'est pas si important qu'il ait perdu mais il n'y arrive pas. 

Le voisin du dessous est un vieil homme qui porte toujours le béret, comme mon grand père. Il sent un peu mauvais, il est un peu sourd, on ne comprend pas vraiment ce qu'il dit. Je le vois de temps en temps quand il fait son tour de ménage de l'étage. Les enfants du bâtiment se moquent de lui et un jour ils lancent des cailloux contre sa fenêtre. J'imagine le conflit jeunes immigrants contre vieux Français. J'apprends par la suite qu'il est d'origine algérienne. Comme quoi...

samedi 6 janvier 2018

Chanson triste

J'ai le moral dans les chaussettes
Les bretelles sur la salopette
Quand je me penche à la fenêtre
Moi je ne vois que des peut-être

Qui je suis (chanson)

Je sais qui je suis mais je n'sais pas qui tu es, qui tu es, qui tu es....
Je sais qui je suis mais je n'sais pas qui tu es, qui tu es, qui tu es....

Je sais qui je suis, laisse-moi voir qui tu es, qui tu es, qui tu es....
Je sais qui je suis, laisse-moi voir qui tu es, qui tu es, qui tu es....

Je sais qui tu es, oh oui je sais qui tu es, qui tu es, qui tu es....
Je sais qui tu es, oh oui je sais qui tu es, qui tu es, qui tu es....

Pourtant je m'ennuie car je sais trop qui tu es, qui tu es, qui tu es....
Pourtant je m'ennuie car je n'sais plus qui je suis, qui je suis, qui je suis...

Ne nous écoutez plus

Ne nous écoutez plus
Nous tapissons le temps de nos soupirs trop lents
Nous alpaguons les gens avec nos grandes dents
Ne nous écoutez plus
Nous marchons en rêvant et râlons en bâillant
Nous passons des jours blancs à nous ronger les sangs
Ne nous écoutez plus
Nous avons pour amants des bardes décadents
Nous nous lavons les dents avec du vieux chiendent
Ne nous écoutez plus
Nous allons en rampant comme des chiens errants
Nous mâchonnons nos dents comme des grands-mamans
Ne nous écoutez plus
Nous traversons l’écran comme des éléphants
N’n’savons que crier, nous n’savons que hurler
Ne nous écoutez plus
Ne nous écoutez plus
Ne nous écoutez plus


Façon haïku

Les feuilles ne craquent plus sous mes pieds. Elles font juste chouin chouin.

Écrits de jeunesse (18-20 ans)

Voici des textes que j'aime toujours autant car ils me rappellent qui j'étais à cette époque, comme un journal intime... Comme peut-être avec ma personne, ça me prend toujours quelques années avant d'aimer mes textes, je les regarde après avec bienveillance. Il y avait d'autres textes mais j'ai sélectionné mes préférés. 

Mais laissez-moi vous raconter cette histoire, instant magique, où la réalité rattrape toujours la fiction. J'avais soumis certaines de ces textes pour un concours de poésie de la bibliothèque de Laval (France). Puis j'avais accouché de mon premier enfant et le concours m'était totalement sorti de l'esprit. Un jour, j'entre dans la bibliothèque, mon bébé sur le ventre en porte-bébé. Je vois qu'il y a une activité dans la salle d'animation et j'entre pour voir ce que c'est. Là, Olivier, le directeur de la bibliothèque, que j'allais côtoyer par la suite, dit "et maintenant le deuxième prix : Elsa Moulin". Bref, j'appris par la suite que nous n'étions qu'une dizaine de candidats, pas grande gloire à avoir gagné, mais ce qui me parut extraordinaire fut d'arriver pile pour lire mon texte!

Etau d’âme

Les oies sauvages fanfaronnent par-dessus les toits tels des caïmans aériens.
Nous fûmes là où le soleil descendait entre l'île des sylphides et l'aire du troisième ours.
Les oursons mangent avec leur maman le poisson qu'elle leur pêche.
Dans la grotte chantent les oiseaux à trois ailes.
Des hirondelles s'envolent vers de meilleurs lendemains tandis qu'un petit hérisson se gratte le nez. Des fils pendent des airs azurés et vers le roulement du soleil qui traverse le ciel vers de meilleurs lendemains.

Sur les rives de l'eau s'étendaient de part et d'autre, sans nulle autre perspective que celle-là, l’alternance de couleurs de terres et de cultures. Les routes étaient encore loin. Le matin était là et nul ne sut comment il était arrivé là. Assis au bord de la rivière, il y laissait s'y déposer des feuilles de frêne et les regardait voguer. Rien n'avait été aussi calme depuis trop longtemps.

Juchée sur ses pensées
Elle s'évade et dévale
Des souvenirs dérobés
Escaladant les cimes
Des oublis dévorant
Le cœur de la raison
Elle remonte et s'arrime
A la proue d'une idée
Un fragment de sensé
Qui danse dans l'abîme.


Lunaire elle se pose un instant dans les airs
Puis repart s'amuser, voir dans les autres sphères
Ses jambes allégées, les fourmis envolées
Ne lui amènent plus que caresses éthérées.


Sur un fil tu te balances, léger tu te lances et aérien tu peux t'envoler à ta guise tandis que passent les nuages, les oiseaux, les merles chanteurs. Tout cela ne t'importe tu t'évades et les airs sont pour toi une portée à ta voie.
Lumineux les ports t'éclairent et si tu te poses c'est pour entendre ces voix enjouées, ces hommes affairés. Puis quittant d'un pied la terre ferme, tu cours, tu prends élan et enfin tu repars. Les jours ne sont plus pour toi des heures qui passent. Bien plutôt des balles multicolores sur lesquelles tu rebondis. Acéré, aéré, les idées t'ont forgé, la routine t'es étrangère. Les montagnes te semblent des vallées ridicules, les abîmes te sont des puits. Tu n'as pas connu de faiblesse ni de faim ni d'ennui Au loin des paysages lumineux t'ont porté. Ni le jour ni l'oubli n'ont freiné ton chemin. Douce est la nuit quand tes yeux elle traverse. Les lunes et les astres viennent pour te bercer. Tout, tout n'est qu'insouciance et mystère.

Amerrie dans une île que je n'connaissais pas,
J’avais pour seule idée de compter tous mes pas
Quand je fus arrivé au cent dix millième
Il me sembla qu'enfin alors j'étais moi-même.

Facile
Elle ondule
Par-ci par-là
La tête lui tourne
Et elle nage
Entre les eaux
Souveraine et sereine
Sans se soucier
Sans s'agiter.

Hélices aériennes
Vous êtes immobiles
Par-delà le silence
Vous voyagez agiles.


Vous étiez insensé en ce lieu
Dans l'aube grise née des cieux
Un éclat, une voix, un rire
Jeté par-dessus le navire
Tout alors m'a ravi de vous
Et tombée que je suis à genoux
J'explorais ma cervelle avide
Inapte à dépasser le vide.


Sans doute nous aurions gagné à ne pas nous plaindre mais la vie est ainsi faite que notre sort nous est sans cesse rappelé.
Sans cesse ramenés sur le bord de la rive. Il n'y a que la dérive pour nous en éloigner.


Un matin comme ça elle avait oublié de s'endormir et elle avait vu le jour se lever, et elle avait trouvé ça beau.


Attendant que s'écroulent autour de moi les foules passives j'oscille dans la masse sans laisser de trace. Je navigue d'un pays à l'autre.

De tes yeux sont tombées des pierres incendiaires
Qui roulent jusqu'à moi, brasiers éphémères
Et toujours reviennent, fulgurants phénomènes
Dansant tels des lames
D'un océan sans fond
Qui tapissent et défont
De l'écume son âme.


Quand nous marchions parmi les fleurs épicées aux senteurs exquises, esquissées dans les branches du ciel, quand l'air doux du couchant me caressait le nez, alors c'était ce soir-là que je te regardais.

Toi : tu m'apparus, tu m'apparaissais, chaque jour comme tu m'apparus. Chaque jour ébahie je me laissais rêver, j'oubliais mon cerveau et mes os un peu flasques et je me démangeais de te jeter un œil. Et lorsqu'il t'arrivait, toi déjà tu filais. Alors mon œil perdu se rattrapait à peine et il me fallait toute la peine de mes dix doigts pour le remettre en place.

Aujourd'hui encore si vous le regardez, n'y faites pas attention. Un strabisme vers toi m'en est resté depuis. Mon œil encore perdu ne sait plus où aller.


Des rues entières passaient devant nous à grand galop et nous marchions lascivement en s'embrassant parmi les populations alanguies. J'allumais mon oreille à ton murmure étourdi et tu me fredonnais des choses inouïes


- Est-ce qu'il ?…
- Non, jamais.
- Ah, bon…

J'ai klaxonné du pied afin que tu m’entendes. Poussant au loin ma voix, j'aboyais après toi, semant partout mon ennui de toi.
Les gens alors ouvraient leurs fenêtres pour me crier des insanités qui me blessèrent plus encore que tes coups de silence. Alors je jetais à leurs carreaux des reflets de toi qui rebondirent, légers, et me revinrent en pleine tête. Assommée par ce tissu d'atrocités je m'enfouissais sous un arrêt de bus et les fesses des gens assis me réchauffèrent quelque peu. Régénérée, je repartis planter mes dents un peu plus loin.

Les fourmis aboient
Les chats sautillent
Dans le silence de la nuit
Je n'entends que ton regard.

Tu m'exploses les tempes et le crâne tant que j'en crève
Tes yeux me dévorent la tête tant qu'elle se fissure.


Remontée par les prairies fraîches de l'été je m'étais arrêtée où l'eau ne coule plus et patiente j'attendis que la soif me tenaille pour m'en revenir.


Irritée par l'insolation soliloque du temps qui passe, je me tirais à quatre pattes.


La tête explosée par une rafale de volcans, je me réfugiais dans une caverne vide où j'explorais mes peines et mes vides.

Un chimpanzé suspendu à un fil de fer s'ébattait dans le ciel ocre. Des idéogrammes de toutes sortes emplissaient mon champ de vision, sans qu'il me soit possible de les rattacher à quoi que ce soit. De ci de là des petites femmes multicolores sautillaient en poussant des cris perçant. Plus loin, des êtres difformes s'entrechoquaient. Une femme cracha un ruisseau noirâtre qui s'écoula jusqu'à moi.
Autour de moi, s'était formée une ronde qui se rapprochait jusqu'à m'étrangler.
Le souffle dans ma poitrine gicla dans un bruit de cors… Lorsque je m'éveillais, les cochons d'Inde rentrèrent dans leur nid. La flaque de mon visage se recomposa en un cristal homogène.


Nous sommes nagés à travers les fumées opaques de l'apathie. Et quand enfin nous sommes arrivés, la rive était trop haute pour pouvoir en atteindre le bord. Alors nous sommes nagés à reculons en attendant le matin.

Naviguant à travers des nimbes d'eau, je m'enivrais de sirop à l'eau, en attendant que sonnent les grelots.




La moustache du prêtre
Le prêtre avait une moustache dont il se servait parfois comme d'une clé à molette


Avidement elle extirpe de son crâne les pensées qui s'engluent.


Un index glissé entre la paupière et l'iris, elle ausculte son œil et palpe son regard. Puis, doigtant son orifice oculaire, elle en extrait le globe qu'elle fait glisser sur sa paume lisse.


Les feux de la nuit me guident vers des rues inconnues. M'engouffrant dans l'une d'elles je heurte un pavé et trébuche. Sur la froideur du sol, je colle ma joue et sourie. Accrochant ma main au mur râpeux que ne me tend aucune prise, je me relève, laissant sur ma paume des stries rouges.
Agacée par tant de froideur, je me blottis sur le capot d'une automobile qui m'accueille tendrement.


Je trouvais dans tes yeux un refuge passablement agréable. Me laissant aspirer par le centre de l'iris, je batifolais distraitement à l'ombre de tes paupières. Ou encore dans une course folle autour du globe oculaire je laissais un éclat exploser de rire avec fracas et retomber en gouttelettes sur les cils délicats.


Je retourne sur des traces disparues où je m'évadais lorsque mes pas se dissolvaient loin de mes rêves. J'y replonge à présent et sous mes pieds le sol se fait lourd et sec. Prenant soin de n'en décoller une parcelle, j'avance précautionneusement. Je cherche la rambarde mais elle a disparu depuis longtemps maintenant, alors je m’efforce de maintenir l'équilibre vital qui me porte.


J'exorbitais mes yeux pour les nettoyer de ce poison puis les remis dans ma tête.


Un effet de pâleur m'anéantit tout à coup et je me trouve presque dépourvue, à la limite de l’abattement fatal.

Les voies défilent face à moi et mes yeux se perdent dans le lointain.
J'aboie à perdre haleine dans le hall de la gare afin de me faire entendre mais le flot qui navigue d'un quai à l'autre m'empêche de m'entendre. Je me perds alors et ma voix reste sur le quai désorientée.

Détournant du regard des yeux trop lourds à porter je m'évanouis lascivement avec mes larmes comme support.

Ne reconnaissant pas tes yeux je détourne les miens, les oublie un peu, les délaissant au loin ou au bas de mes chaussures. Mais soudain ta vue m'aveugle et me crève la pupille qui jaillit.


Comme la mer était claire et le vent apaisé
Je me suis allongée au sol et me suis née.

Déjà les vents commençaient à se lever, rageurs et les herbes vibraient avec volupté, heureuses d'être caressées ainsi de toutes parts et enlacées par l’air.


Silence maintenant. Dans le vide lunaire les bruits se taisent peu à peu et le cosmos bruie. Les astres se déplacent en s'enlaçant.

Jennifer 1

-           - Ouais, mais regarde, toi, t’as déjà voulu aller sur la lune?
-           -  Non.
-          -  Moi c’est un truc qui me fait tripper.
-            - Ouais… Moi j’trouve que tout ça c’est du gaspillage. Quand tu vois que dans nos labos on n’a pas les moyens nécessaires…
-          - Ouais. Mais ça c’est la faute du gouvernement. Mais la lune! J’sais pas, j’dois être un peu folle…
-           - Mmm…
-           - De toutes façons vous m’avez jamais vraiment comprise!
-           - Oh arrête Jennifer!
-        -    Oh et merde, t’y met pas aussi maman, tu fais chier.
-            - Jennifer…

ElElle quitta la table. Sa sœur ne la comprenait jamais. Mais elle allait voir. Dans deux jours, elle serait partie.

Portraits : les zozotériques

Des nouveaux venus à la bibliothèque. Ils arrivent par une belle journée d’été. Ils ont tous les deux un vilain chapeau de soleil sur la tête, un vieux T-shit et un short. Un look totalement ringard. C’est elle qui parle. Tout le temps elle. Mais on apprend plus tard que lui aussi parle, et pas qu’un peu! Ils nous parlent de complots, de la guerre en Irak, du président Obama, de la fin du pétrole...
Dès qu’elle ouvre la bouche on se dit merde, ceux-là va falloir les canaliser...
Elle nous raconte qu’ils viennent de Montréal mais qu’ils ont choisi la Gaspésie pour le grand air, parce qu’ils ont des problèmes de santé – lui la

Portraits : Johannne B.

Elle vient presque tous les jours à la bibliothèque, taper des lettres de candidature et faire sa recherche d’emploi. Elle est bizarre. Avec son teint très blanc, sa maigreur, et ses longs cheveux noirs, on dirait presque une sorcière. Elle nous dit qu’elle a du mal à trouver un emploi. Elle m’explique qu’elle a une maîtrise de gestion, obtenue à la sueur de son front car elle vient d’une famille très pauvre. Qu’elle est originaire de Gaspésie mais qu’elle restait à Québec avant. Qu’à Québec et Montréal elle a toujours réussi à travailler et a eu des bons postes, dans des cégeps et des universités. Elle a l’air d’avoir tellement de mal dans sa recherche d’emploi que je me demande si elle dit vrai. Mais je comprends que ce genre de personnes « bizarres » ait du mal à trouver un emploi. Elle m’explique qu’à Gaspé ça marche plus par copinage que selon la compétence des gens, ce que je veux bien croire aussi... Elle m’explique plus tard qu’elle est venue ici pour
vivre avec son conjoint. Plus tard, je la fais embaucher pour me remplacer 15 jours, je suis contente de moi mais c’est pas non plus extraordinaire pour elle. Elle ambitionne des postes plus hauts sans jamais décrocher d’entrevue. Quand elle me remplace, ma collègue et elles découvrent qu’elles ont le même âge - 54 ans - mais des trajectoires opposées. Johanne n’a jamais vécu avec un homme et c’est une nouvelle expérience pour elle. Elle a dû avoir peu de liens sociaux. Au fil du temps, elle trouve un petit job au pavillon des sports, elle apprend à sourire et ose même des blagues, jamais drôles, mais elle ose quand même. On pourrait devenir amies mais elle est bizarre. On m’a souvent dit que j’étais bizarre alors je comprends assez bien ce qu’elle ressent. Quand elle te parle de ses compétences, elle est presque arrogante. Je ne connais que trop ces sentiments, la timidité qui te donne le goût d’être hautain. Et malgré tout le besoin d’être en contact avec les autres.
Je l’invite quelques fois à manger avec moi, elle me dit oui un jour mais je sais pas si elle le fera. Elle est écolo et bio, elle n’a pas le permis et vient tous les jours au cégep à pied ou en vélo (20 km). C’est elle que je vois quand je lis «Une divine plaisanterie » de Margaret Laurence.

Portraits : Clermont C.

Un de mes grands plaisirs : essayer de croquer les gens en mots. Dans le bus ou le train, c'est idéal. Les trois portraits suivants étaient des usagers fidèles de ma bibliothèque, j'ai donc eu un peu plus de temps pour les croquer.

Clermont C. :
Il vient rendre ses livres à la bibliothèque. Il discute avec Murielle, que je remplace. Clermont a un visage tout rond et sans âge, presque androgyne, constellé de tâches de rousseur, et une coupe au bol. Il explique à Murielle qu’il n’a pas dormi de la nuit, qu’il lit beaucoup pendant ce temps-là, mais que quand on n’a pas dormi de la nuit, il lui semble qu’au matin on a l’esprit clair, qu’on pourrait écrire une lettre d’un seul trait avec une grande facilité.

Marcel Lapin

Marcel Lapin, c'était, quand j'étais enfant, l'homme idéal pour ma mère. Elle l'avait surnommé ainsi. En 2009, enthousiasmée par l'arrivée dans ma région de l'Autre radio, radio associative basée à Château-Gontier, en Mayenne ( France), je décide de me lancer dans la co-animation d'une émission ciné-littérature et de leur proposer un feuilleton-radio, que je n'avais pas encore écrit

Le train roule à grande vitesse

Le train roule à grande vitesse. Je dois avoir 21 ans. À côté de moi, deux hommes et une femme dans la trentaine, avec un petit garçon de 6-7 ans.

Marcher dans la ville



Je marche dans la ville à la recherche d’un emploi. J’arpente la ville et je me sens vivante. Je voudrais passer ma vie à marcher. Trouver un boulot où il faut marcher. Je marche et je sens le vent sur mon corps. L’air qui me donne la pleine conscience d’exister. En fait, je sens l’air sur mes bras car l’air frôle les poils de mes bras. Et je

Mes textes

Alors voilà, j'en ai un peu marre de publier des critiques de livre et j'ai décidé de vous partager mes propres textes, mes créations. Elles valent ce qu'elles valent, comme vous les savez peut-être j'ai beaucoup d'idées mais plus de difficultés à mener mes projets à bien, à les terminer.
Pour autant, la création est ce qui me fait vivre, non pas financièrement mais spirituellement, alors vous trouverez sans doute dans ces "work in progress" un peu de moi. C'est très personnel, c'est très imparfait, faire les choses imparfaitement est quelque chose que je revendique, par paresse d'une part, mais aussi pour que tout le monde se sente le droit, l'envie de créer.
Je renomme donc ce blog "chez Elsa" mais, des fois que le monde aurait commencé à me suivre, je garde la même adresse.


Comme toujours je suis preneuse de commentaires constructifs : ni dénigrants, ni trop enthousiastes.