samedi 6 janvier 2018

Écrits de jeunesse (18-20 ans)

Voici des textes que j'aime toujours autant car ils me rappellent qui j'étais à cette époque, comme un journal intime... Comme peut-être avec ma personne, ça me prend toujours quelques années avant d'aimer mes textes, je les regarde après avec bienveillance. Il y avait d'autres textes mais j'ai sélectionné mes préférés. 

Mais laissez-moi vous raconter cette histoire, instant magique, où la réalité rattrape toujours la fiction. J'avais soumis certaines de ces textes pour un concours de poésie de la bibliothèque de Laval (France). Puis j'avais accouché de mon premier enfant et le concours m'était totalement sorti de l'esprit. Un jour, j'entre dans la bibliothèque, mon bébé sur le ventre en porte-bébé. Je vois qu'il y a une activité dans la salle d'animation et j'entre pour voir ce que c'est. Là, Olivier, le directeur de la bibliothèque, que j'allais côtoyer par la suite, dit "et maintenant le deuxième prix : Elsa Moulin". Bref, j'appris par la suite que nous n'étions qu'une dizaine de candidats, pas grande gloire à avoir gagné, mais ce qui me parut extraordinaire fut d'arriver pile pour lire mon texte!

Etau d’âme

Les oies sauvages fanfaronnent par-dessus les toits tels des caïmans aériens.
Nous fûmes là où le soleil descendait entre l'île des sylphides et l'aire du troisième ours.
Les oursons mangent avec leur maman le poisson qu'elle leur pêche.
Dans la grotte chantent les oiseaux à trois ailes.
Des hirondelles s'envolent vers de meilleurs lendemains tandis qu'un petit hérisson se gratte le nez. Des fils pendent des airs azurés et vers le roulement du soleil qui traverse le ciel vers de meilleurs lendemains.

Sur les rives de l'eau s'étendaient de part et d'autre, sans nulle autre perspective que celle-là, l’alternance de couleurs de terres et de cultures. Les routes étaient encore loin. Le matin était là et nul ne sut comment il était arrivé là. Assis au bord de la rivière, il y laissait s'y déposer des feuilles de frêne et les regardait voguer. Rien n'avait été aussi calme depuis trop longtemps.

Juchée sur ses pensées
Elle s'évade et dévale
Des souvenirs dérobés
Escaladant les cimes
Des oublis dévorant
Le cœur de la raison
Elle remonte et s'arrime
A la proue d'une idée
Un fragment de sensé
Qui danse dans l'abîme.


Lunaire elle se pose un instant dans les airs
Puis repart s'amuser, voir dans les autres sphères
Ses jambes allégées, les fourmis envolées
Ne lui amènent plus que caresses éthérées.


Sur un fil tu te balances, léger tu te lances et aérien tu peux t'envoler à ta guise tandis que passent les nuages, les oiseaux, les merles chanteurs. Tout cela ne t'importe tu t'évades et les airs sont pour toi une portée à ta voie.
Lumineux les ports t'éclairent et si tu te poses c'est pour entendre ces voix enjouées, ces hommes affairés. Puis quittant d'un pied la terre ferme, tu cours, tu prends élan et enfin tu repars. Les jours ne sont plus pour toi des heures qui passent. Bien plutôt des balles multicolores sur lesquelles tu rebondis. Acéré, aéré, les idées t'ont forgé, la routine t'es étrangère. Les montagnes te semblent des vallées ridicules, les abîmes te sont des puits. Tu n'as pas connu de faiblesse ni de faim ni d'ennui Au loin des paysages lumineux t'ont porté. Ni le jour ni l'oubli n'ont freiné ton chemin. Douce est la nuit quand tes yeux elle traverse. Les lunes et les astres viennent pour te bercer. Tout, tout n'est qu'insouciance et mystère.

Amerrie dans une île que je n'connaissais pas,
J’avais pour seule idée de compter tous mes pas
Quand je fus arrivé au cent dix millième
Il me sembla qu'enfin alors j'étais moi-même.

Facile
Elle ondule
Par-ci par-là
La tête lui tourne
Et elle nage
Entre les eaux
Souveraine et sereine
Sans se soucier
Sans s'agiter.

Hélices aériennes
Vous êtes immobiles
Par-delà le silence
Vous voyagez agiles.


Vous étiez insensé en ce lieu
Dans l'aube grise née des cieux
Un éclat, une voix, un rire
Jeté par-dessus le navire
Tout alors m'a ravi de vous
Et tombée que je suis à genoux
J'explorais ma cervelle avide
Inapte à dépasser le vide.


Sans doute nous aurions gagné à ne pas nous plaindre mais la vie est ainsi faite que notre sort nous est sans cesse rappelé.
Sans cesse ramenés sur le bord de la rive. Il n'y a que la dérive pour nous en éloigner.


Un matin comme ça elle avait oublié de s'endormir et elle avait vu le jour se lever, et elle avait trouvé ça beau.


Attendant que s'écroulent autour de moi les foules passives j'oscille dans la masse sans laisser de trace. Je navigue d'un pays à l'autre.

De tes yeux sont tombées des pierres incendiaires
Qui roulent jusqu'à moi, brasiers éphémères
Et toujours reviennent, fulgurants phénomènes
Dansant tels des lames
D'un océan sans fond
Qui tapissent et défont
De l'écume son âme.


Quand nous marchions parmi les fleurs épicées aux senteurs exquises, esquissées dans les branches du ciel, quand l'air doux du couchant me caressait le nez, alors c'était ce soir-là que je te regardais.

Toi : tu m'apparus, tu m'apparaissais, chaque jour comme tu m'apparus. Chaque jour ébahie je me laissais rêver, j'oubliais mon cerveau et mes os un peu flasques et je me démangeais de te jeter un œil. Et lorsqu'il t'arrivait, toi déjà tu filais. Alors mon œil perdu se rattrapait à peine et il me fallait toute la peine de mes dix doigts pour le remettre en place.

Aujourd'hui encore si vous le regardez, n'y faites pas attention. Un strabisme vers toi m'en est resté depuis. Mon œil encore perdu ne sait plus où aller.


Des rues entières passaient devant nous à grand galop et nous marchions lascivement en s'embrassant parmi les populations alanguies. J'allumais mon oreille à ton murmure étourdi et tu me fredonnais des choses inouïes


- Est-ce qu'il ?…
- Non, jamais.
- Ah, bon…

J'ai klaxonné du pied afin que tu m’entendes. Poussant au loin ma voix, j'aboyais après toi, semant partout mon ennui de toi.
Les gens alors ouvraient leurs fenêtres pour me crier des insanités qui me blessèrent plus encore que tes coups de silence. Alors je jetais à leurs carreaux des reflets de toi qui rebondirent, légers, et me revinrent en pleine tête. Assommée par ce tissu d'atrocités je m'enfouissais sous un arrêt de bus et les fesses des gens assis me réchauffèrent quelque peu. Régénérée, je repartis planter mes dents un peu plus loin.

Les fourmis aboient
Les chats sautillent
Dans le silence de la nuit
Je n'entends que ton regard.

Tu m'exploses les tempes et le crâne tant que j'en crève
Tes yeux me dévorent la tête tant qu'elle se fissure.


Remontée par les prairies fraîches de l'été je m'étais arrêtée où l'eau ne coule plus et patiente j'attendis que la soif me tenaille pour m'en revenir.


Irritée par l'insolation soliloque du temps qui passe, je me tirais à quatre pattes.


La tête explosée par une rafale de volcans, je me réfugiais dans une caverne vide où j'explorais mes peines et mes vides.

Un chimpanzé suspendu à un fil de fer s'ébattait dans le ciel ocre. Des idéogrammes de toutes sortes emplissaient mon champ de vision, sans qu'il me soit possible de les rattacher à quoi que ce soit. De ci de là des petites femmes multicolores sautillaient en poussant des cris perçant. Plus loin, des êtres difformes s'entrechoquaient. Une femme cracha un ruisseau noirâtre qui s'écoula jusqu'à moi.
Autour de moi, s'était formée une ronde qui se rapprochait jusqu'à m'étrangler.
Le souffle dans ma poitrine gicla dans un bruit de cors… Lorsque je m'éveillais, les cochons d'Inde rentrèrent dans leur nid. La flaque de mon visage se recomposa en un cristal homogène.


Nous sommes nagés à travers les fumées opaques de l'apathie. Et quand enfin nous sommes arrivés, la rive était trop haute pour pouvoir en atteindre le bord. Alors nous sommes nagés à reculons en attendant le matin.

Naviguant à travers des nimbes d'eau, je m'enivrais de sirop à l'eau, en attendant que sonnent les grelots.




La moustache du prêtre
Le prêtre avait une moustache dont il se servait parfois comme d'une clé à molette


Avidement elle extirpe de son crâne les pensées qui s'engluent.


Un index glissé entre la paupière et l'iris, elle ausculte son œil et palpe son regard. Puis, doigtant son orifice oculaire, elle en extrait le globe qu'elle fait glisser sur sa paume lisse.


Les feux de la nuit me guident vers des rues inconnues. M'engouffrant dans l'une d'elles je heurte un pavé et trébuche. Sur la froideur du sol, je colle ma joue et sourie. Accrochant ma main au mur râpeux que ne me tend aucune prise, je me relève, laissant sur ma paume des stries rouges.
Agacée par tant de froideur, je me blottis sur le capot d'une automobile qui m'accueille tendrement.


Je trouvais dans tes yeux un refuge passablement agréable. Me laissant aspirer par le centre de l'iris, je batifolais distraitement à l'ombre de tes paupières. Ou encore dans une course folle autour du globe oculaire je laissais un éclat exploser de rire avec fracas et retomber en gouttelettes sur les cils délicats.


Je retourne sur des traces disparues où je m'évadais lorsque mes pas se dissolvaient loin de mes rêves. J'y replonge à présent et sous mes pieds le sol se fait lourd et sec. Prenant soin de n'en décoller une parcelle, j'avance précautionneusement. Je cherche la rambarde mais elle a disparu depuis longtemps maintenant, alors je m’efforce de maintenir l'équilibre vital qui me porte.


J'exorbitais mes yeux pour les nettoyer de ce poison puis les remis dans ma tête.


Un effet de pâleur m'anéantit tout à coup et je me trouve presque dépourvue, à la limite de l’abattement fatal.

Les voies défilent face à moi et mes yeux se perdent dans le lointain.
J'aboie à perdre haleine dans le hall de la gare afin de me faire entendre mais le flot qui navigue d'un quai à l'autre m'empêche de m'entendre. Je me perds alors et ma voix reste sur le quai désorientée.

Détournant du regard des yeux trop lourds à porter je m'évanouis lascivement avec mes larmes comme support.

Ne reconnaissant pas tes yeux je détourne les miens, les oublie un peu, les délaissant au loin ou au bas de mes chaussures. Mais soudain ta vue m'aveugle et me crève la pupille qui jaillit.


Comme la mer était claire et le vent apaisé
Je me suis allongée au sol et me suis née.

Déjà les vents commençaient à se lever, rageurs et les herbes vibraient avec volupté, heureuses d'être caressées ainsi de toutes parts et enlacées par l’air.


Silence maintenant. Dans le vide lunaire les bruits se taisent peu à peu et le cosmos bruie. Les astres se déplacent en s'enlaçant.

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