lundi 15 janvier 2018

Chroniques de la pauvreté ordinaire

Quand j'avais la vingtaine, j'avais pour projet d'écrire des chroniques de la pauvreté ordinaire (et aussi des chroniques du racisme ordinaire). Je vous livre ici deux anecdotes, textes jamais écrits mais restés dans mon souvenir, parce que je me dis qu'après tout, tant pis si je ne les écris pas quand j'ai l'inspiration, s'ils sont bons, ils me resteront en tête.
Regard porté sur la pauvreté sans condescendance parce que depuis que je fréquente le café communautaire l'Accès à Alma, je n'ai plus honte d'être pauvre. Entendons-nous bien, je ne dis pas que c'est le fun d'être pauvre, je ne suis pas si pauvre non plus et je n'haïrais pas améliorer mon confort et ma sécurité matériels, mais quand j'ai lu Le Manifeste du parti communiste, vers 17-18 ans, je me suis dit, mais pourquoi Marx dit-il "le prolétariat" et pas "nous", vous comprenez? Voilà, c'est ça, je dis "nous".
Hmm, en les écrivant, ces souvenirs sont brefs, on va plutôt les nommer "Instantanés"...

Instantané 1 :
On était à l'auberge de jeunesse de St-Malo avec Ameth, pour notre lune de miel. Dans la cuisine, un couple, avec un petit bébé, discutait avec un ami : "on déménage au camping, parce que c'est moins cher. Mais tu passes quand tu veux hein? La tente est grande!"

Instantané 2 : 
Chicane de couple de SDF - itinérants comme on dit au Québec - devant la gare de Rennes. Ils se crient dessus devant tout le monde. Comme ils n'ont ni enfants ni meubles à se partager, ils se disputent pour savoir qui gardera le caddie (chariot) plein de bouteilles de bières...

Il y a un couple au café qui m'inquiète beaucoup. Lui est un quadragénaire bien relaxe, il fume son petit joint de temps en temps et chille. Une fois qu'on attendait devant le café avec Laurier pour rencontrer Manon durant sa campagne, il arrive avec un grand sourire et dit : « ça vous tente de fumer? ». Avec Laurier, on l'a regardé en souriant et on a dit « euh, non... ». Pas vraiment notre genre. Mais ben chill, quoi. Elle est une fille aigrie par la vie, en guerre contre le système et contre elle-même. Elle a étudié en travail social et a fait beaucoup de bénévolat et de projets pendant ses études. Mais trop forte tête, trop mauvais caractère, elle s'est marginalisée et maintenant a l'impression que personne ne peut l'aider. Je la connais peu mais j'ai l'impression que chaque fois qu'on lui propose une solution, ça lui semble trop compliqué et qu'elle les refuse. Moi aussi, j'ai eu ce caractère, la haine envers soi-même et les réflexes d'auto-sabotage, mais je souhaite qu'elle ravale son orgueil et se trouve un logement car sinon, elle va mourir de froid dans pas long.
Je pensais pas que ça arrivait au Québec mais il paraît que oui, et j'en veux presque au café d'avoir laissé leur terrasse aux itinérants, parce que là il faut qu'il se trouve un toit et ça presse!
Mais je sais que le café fait ce qu'il peut, y compris pour la défense des droits mais tout le monde s'en fout tellement.
Bref, je parlerai pas à cette fille et elle fera ce qu'elle a à faire mais je pense bien à elle, même si elle me voit à peine...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire