J’ai revu la Française hier, au Relais pour la vie. Nous avons à
peine échangé quelques mots.
Je l’ai aperçue avant le concert. Elle nous a regardé et il me
semble que j’ai chanté plus intensément, plus juste. Je crois
qu’elle a apprécié le concert. Elle est venue me parler. J’étais
en train de démonter la scène et je lui ai dit que nous nous
parlerions après. Elle est revenue après. Nous avons échangé
quelques mots, mais à vrai dire, Katia était tout près et je me
sentais gêné. Je lui ai touché le bras et je suis allé saluer
Marc qui se trouvait là. Pourquoi lui ai-je touché le bras? Je ne
sais pas. Un signe amical, spontané. Comme toujours, je sentais un
plaisir à lui parler mais aussi une certaine gêne, bien qu’elle
soit toujours amicale et simple. Je l’ai aperçue plus tard. Je ne
suis pas retourné la voir. Que dire en fait? Pourtant, à chacune de
nos rencontres furtives, il semble que le courant passe. Elle a cette
simplicité que je ne retrouve pas chez les autres femmes que je
côtoie et sait aussi instaurer un certain trouble entre nous, sans
draguer franchement. Je sais que je plais aux femmes et pourtant les
autres me font sentir ma situation sociale plus que toute autre
chose. Pas elle. Elle a cette façon de me faire exister en me
regardant.
N’est-ce qu’une grano parmi tant d’autres? Est-ce qu’elle se
donne un style artiste? Non. Elle est trop fière pour se donner des
styles. Quand je suis allé chercher Paul l’autre jour, je l’ai
entendue derrière la porte chanter à son bébé. Une voix douce,
fredonnée, qui me caressait les oreilles.
Qui est-elle pour être avoir quitté son pays et être venue vivre
ici, dans ce petit appartement minable? Pourquoi avoir refait un
enfant et s’être séparée? Il faut dire qu’il a pas l’air
facile, ce type… Mais qu’est-ce que j’en sais et qu’est-ce
que ça peut me faire? Je voudrais la prendre dans mes bras. Non,
c’est plutôt moi qui aurait besoin qu’elle me prenne dans ses
bras.
Mais qu’est-ce que je raconte là et pourquoi j’écris tout ça?
Ce cahier c’est la thérapeute conjugale qui m’a conseillé de le
tenir, c’était pas pour parler d’elle. Est-ce qu’elle écrit?
Sûrement.
Alors quoi? Que vas-tu faire la prochaine fois que tu la verras? Fuir
encore? C’est pourtant pas Katia qui te dira quoi que ce soit, tout
est toujours si correct entre vous.
***
Bonjour Katia,
Je suis la maman de Mathieu. On se connaît de vue, même si c’est
toujours G. qui vient porter Paul ou que je vois quand j’amène
Mathieu.
J’ai bien sympathisé avec G.
Je sais que l’amitié homme-femme est plus courante au Québec
qu’en France, et pourtant ici comme là-bas, nous ne sommes pas à
l’abri des qu’en dira-t-on.
J’ai beaucoup de plaisir à discuter avec G. Je ne peux vous
garantir que cela n’aboutisse pas à une relation amoureuse. Mais
pour l’heure, j’ai juste envie de le connaître davantage,
d’entretenir une relation d’amitié normale.
Je ne viens pas vous demander quelque permission que ce soit, je
crois d’ailleurs qu’un conjoint n’est pas un chien en laisse à
qui on desserre la bride de temps en temps.
Mais l’idée de trahison, de vexation, de blesser qui que ce soit
me répugne et c’est pourquoi je prends le temps de vous écrire.
En espérant que vous comprendrez,
E.
***
J’ai reçu hier une lettre de la mère de Mathieu. Nous nous sommes
vues quelques fois bien que n’ayant jamais échangé. Quand G. la
salue, je vois qu’il existe entre eux une complicité naissante.
Sa lettre est certes surprenante et pourtant il me semble qu’elle
m’enlève un poids. Avec quelle simplicité elle énonce cela,
alors que des années de thérapie conjugale ne nous plongeaient que
davantage dans la confusion.
Oui, je crois que je suis capable de laisser jalousie et possessivité
pour faire place à une nouvelle personne dans notre vie.
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