jeudi 30 octobre 2025

Anna Karénine c'est moi

Voilà, j'ai fini Anna Karénine. Je me retrouve seule avec la mort d'Anna sur les bras, et je ne sais si j'ai aimé la connaître ou si je regrette que Tolstoï l'ai laissée tomber, qu'il nous l'ai moins montrée que Lévine, qu'il ait sauvé Lévine et pas elle.

Et puis? Et si on réhabilitait Anna? Et si elle avait fait valoir ses droits, se soit trouvé des allié.e.s, ait fait appel à un avocat, ai publié dans le journal, ait créé une maison d'hébergement pour femmes? Et si les femmes s'étaient montrées plus solidaires entre elles?


Serge pleurait dans ses bras.

- Maman, reste avec moi, maman...!

- Oui, Serge, mon petit Seriocha, je ne te quitterai plus... Allons, mets ton manteau, nous partons.

Grisée par le bonheur de sentir le petit corps de Serge entre ses bras, Anna se sentit cette audace. Ils arrivèrent au château de Vronski au crépuscule. Serge s'était endormi. Elle essuya les traces de sel que les larmes avaient laissé sur ses joues. Il n'avait point mangé mais elle n'osa le réveiller.

- Portez-le dans ma chambre dit-elle au valet qui venait de sortir.

Vronski parut derrière lui.

- Mais, Anna, que signifie...? Tu sais ce que nous risquons? Karénine va nous poursuivre.

- Suffit, Alexis! C'est assez. Cet enfant a besoin de sa mère. Je mets Anna et son fils sous ma protection.

Une ombre avait paru sur le pas de la porte. Anna reconnut, sans l'avoir jamais rencontrée avant, Mme Vronski. La mère d'Alexis avait le même front haut, le même nez aquilin et la même prestance que lui.

Anna se serait jetée dans ses bras, mais les conventions le lui interdisaient. Cette femme contre laquelle Alexis l'avait mise en garde lui tendait la main. 

Tard dans la nuit, on frappa à la porte. C'était Dolly. ayant su que Serge était ici, elle était accourue.

Anna la serra contre elle. 

- Daria, ma bonne amie, mais, tes enfants? 

- N'aie crainte, la gouvernante veille sur eux, et Stepan est à la maison.

Anna fit préparer une tisane et elle causèrent librement. 

- Quelle injustice, Anna! Stepan me trompe à tour de bras et personne ne le juge pour ça, tandis que toi qui a quitté ton mari pour un homme que tu aimais, tout le monde te calomnie et voudrait te voir séparée de son fils. Il faut que cela cesse! J'ai une amie journaliste, allons la voir demain.

Maria Pavlona était la femme du directeur du plus gros organe de presse de Moscou. Celui-ci lui prêtait son nom pour qu'elle puisse écrire. Lui avait l'argent, elle le talent. 

Le lundi, la lettre d'Anna parut.

"Parce que j'ai voulu vivre en femme libre, on me calomnie, on m'évite. Les hommes eux, peuvent tromper leur femme comme bon leur semble et personne ne les attaque. Il faut que cela cesse. Certes, j'ai commis l'adultère et j'ai quitté mon mari. Je n'en suis pas fière et je regrette la peine que j'ai pu lui faire. Néanmoins, je me suis efforcée d'être sincère. Si je n'ai pas demandé le divorce, c'est parce qu'on m'a menacée de me séparer de mon fils. Je vis à l'heure actuelle dans l'attente d'une solution. Cela fait un an que je suis séparée de mon fils. Quelle mère supporterait cela? Ai-je été une bonne mère? Ce n'est pas à moi de le dire. Mais j'ai fait de mon mieux et la séparation qu'on m'impose est une condamnation bien cruelle. s'il faut me juger, jugez-moi, chères lectrices, chers lecteurs. Il faut que dans ce pays, les femmes s'unissent pour améliorer leur sort et faire régner leurs droits.

Notez que mon malheur est bien peu de choses, en comparaison à la conditions des paysans et paysannes qui travaillent pour nous. Bien qu'ils aient une terre, ils doivent travailler sans relâche, gagnent à peine de quoi se nourrir, ne peuvent s'absenter même pour enterrer leur père et marchent pieds nus. Il est temps que cela change! Je ne prétend pas changer le monde mais si je réclame une amélioration de mon sort, j'en réclame une aussi pour les paysans et paysannes. À partir d'aujourd'hui, nous leur donnerons un salaire décent qui leur permettra de se nourrir, de se chauffer et de se vêtir convenablement, un horaire de travail raisonnable et des congés. c'est bien peu de choses, mais je crois au progrès pour tous.

Le lendemain parut cette lettre d'Olblonski :

- Ma soeur, je suis si fier de toi! On te calomnie et on te piétine mais tu te tiens la tête haute. Voici bien notre Anna Arkadiévitch! Oh, ma soeur, sèche tes larmes, je suis près de toi. Je le confesse aujourd'hui, ce n'est d'ailleurs un secret personne, j'ai trompé ma femme plusieurs fois. Tout le monde le sait et personne ne me jette la pierre. Parce que je suis un homme. Oh Daria, ma tendre épouse, sachez bien que je ne fais pas cette confession pour faire de nous la risée de Moscou mais pour mettre en avant cette injustice. On s'acharne contre Anna et on me laisse faire. Mais le monde est en train de changer. Le mouvement est en marche.

Anna et Vronski allèrent s'installer chez Stepan et Dolly, avec leurs enfants, ignorant ce qu'on disait d'eux, car bien sûr le monde ne changeait pas vite et les mécontents continuaient à critiquer.

Bientôt ils s'en furent tous vivre sur le domaine de Lévine et inventèrent une nouvelle société. Alexis Karénine lui même leur rendit visite et ils trouvèrent un arrangement commun pour leur fils.

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